La Revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) |
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« La syllabique est-elle réactionnaire ? » | ||
Revue du MAUSS semestrielle, n°28, 2e sem. 2006.
« La syllabique est-elle réactionnaire ? » La décision du ministre de Robien dimposer lusage exclusif de la méthode syllabique aux professeurs de CP, à la rentrée scolaire 2006, a fait rebondir, de belle manière, la vieille querelle des modes dapprentissage de la lecture. Bien des partisans de la démocratisation de lécole sont intervenus dans le débat en dénonçant le caractère historiquement et politiquement réactionnaire de cette décision. Avant de discuter du fond de laffaire, je commencerai ici par interroger la controverse elle-même, le fait quelle ait eu lieu et les formes quelle a revêtues. Lépisode en effet est intéressant à plus dun titre.
Le politique et le pédagogique Cette vivacité tient dabord au caractère exceptionnel de la situation ainsi créée, qui voit entrer en conflit ouvert les deux pôles où sélaborent les politiques scolaires, le politique proprement dit, qui fixe les grands objectifs et décide en dernière instance des moyens, et le pédagogique, qui prépare les réformes et traduit les objectifs adoptés en dispositifs pratiques de scolarisation. Les performances du système éducatif Conflit des légitimités, opposition éthico-pédagogique : lacuité des affrontements tient encore, en troisième lieu, aux performances de notre système scolaire aujourdhui. En premier lieu, les possibilités dune réelle comparaison sont limitées. Seules en effet ont été archivées des copies délèves qui ont été présentés au CEP, soit un peu plus dun sur deux à la fin des années 1930[12]. On ne dispose daucun instrument dévaluation des performances de la seconde moitié des élèves, ceux dont la valeur scolaire à la sortie du primaire est la plus médiocre. Lécole de la troisième République fabriquait-elle plus ou moins délèves peu ou mal lettrés quaujourdhui ? La question reste pour le moment sans réponse empiriquement étayée. En second lieu, toute comparaison ne vaut que « toutes choses égales par ailleurs ». Or un élément de contexte essentiel a radicalement changé depuis lavant-guerre et limmédiat après-guerre : les attentes des familles à légard de linstitution scolaire. Le rapport des milieux populaires à lécole a été véritablement bouleversé depuis les années 1960 : si 15 % des parents délèves ouvriers visaient un bac pour leur enfant en 1963, cette proportion passe à 60 % dès le début des années 1970 et à 80 % aujourdhui. La demande de réussite scolaire sest généralisée, la mobilisation aussi, et la frustration est forte, concernant particulièrement lapprentissage du lire-écrire-compter en primaire. Cest à cette demande-ci, et non à celle des années 1960, a fortiori à celle davant-guerre quand la gendarmerie donnait encore ici et là la chasse aux enfants envoyés aux champs plutôt quà lécole , que lefficacité de notre système scolaire doit être mesurée. Troisième observation : le niveau monte, certes. Pour les enfants douvriers qui décrochent un BTS ou même un bac pro là où leur père avait un CAP et leur grand-père aucun diplôme, la chose est assez claire, et elle lest par conséquent, en moyenne, pour lensemble des jeunes générations. Cest là une réalité qui ne souffre pas la contestation, et qui ne saurait être ignorée : lallongement massif des scolarités et la « hausse du niveau » ont été un moteur décisif des transformations de la société française à partir des années 1960. Mais cette progression est inégale, ne concernant pas à lidentique tous les registres de la culture écrite[13]. Elle est fragile et contradictoire. Une enquête de la DEP montre que le niveau des performances en français des entrants en 6e na pas changé entre 1987 et 1997[14]. Ce constat est dautant plus précieux quil porte précisément sur la décennie (1985-1995) pendant laquelle sest opérée la « seconde explosion scolaire », qui a provoqué la massification des effectifs lycéens et étudiants. Autant dire que la prolongation des parcours depuis vingt ans sest accomplie sans amélioration des apprentissages élémentaires, à partir donc dacquis de base inchangés. Cest une massification purement volontariste, obtenue en prolongeant les parcours délèves qui auraient antérieurement abandonné leurs études, volontairement ou en raison de résultats insuffisants. Elle a conduit à peupler les étages supérieurs du système éducatif délèves qui y survivent avec beaucoup de difficultés, en raison essentiellement des limites de leurs acquisitions cognitives de base, celles qui auraient dû être réalisées à lécole élémentaire. Ce processus est au cur de ce qui fait crise aujourdhui dans lécole, des entrées illettrées au collège à la nécessité dateliers décriture à lentrée de luniversité, de la souffrance des élèves à celle de leurs maîtres, qui protestent contre la « baisse du niveau » et imputent au collège unique, qui nen peut mais, la responsabilité de la situation.
Lefficacité des méthodes de lecture Peut-on alors, en comparant ce qui est comparable, mesurer lefficacité respective des différentes pédagogies de la lecture ? Les rares recherches réalisées en langue française concluent à la supériorité des démarches qui enseignent le décodage grapho-phonologique (ou méthodes « phoniques ») par rapport à celles qui ne lenseignent pas[17] Les méthodes purement globales (ainsi de la méthode « idéovisuelle » de Foucambert qui connut son heure de gloire) ne sont cependant plus guère pratiquées : les manuels utilisés par les enseignants font tous place au décodage. La question aujourdhui posée est celle de la place à faire à lenseignement des correspondances entre signes graphiques et sons, et celle des modalités les plus efficaces de cet enseignement. est plus efficace (et dautant plus efficace quil sagit délèves issus des milieux les moins favorisés) quun enseignement phonique non systématique, a fortiori quun enseignement non phonique ; quil est dautant plus efficace quon le démarre tôt ; et quil est plus efficace non seulement du point de vue du déchiffrage, mais également du point de vue de la compréhension[18]. Cette étude confirme la moindre efficacité des approches purement globales, qui nenseignent pas les correspondances entre les sons de la langue et les signes écrits, mais conjuguent la mémorisation de la graphie des mots et lidentification des mots non mémorisés par le sens de la phrase (« lecture-devinette »). On ne sen étonnera pas : il paraît tout à fait illogique, et particulièrement dispendieux en termes de surcharge mémorielle, dappliquer au déchiffrement dune écriture alphabétique la méthode de lecture quimposent les écritures idéographiques et qui procède, elle, par identification des mots et non des lettres.
La logique de la syllabique Que penser alors, si la syllabique est la seule à assurer cet enseignement précoce et systématique du code qui est le plus à même dassurer aux enfants des classes populaires (et aux autres !) une entrée facile dans la lecture, des maux dont laccablent ses détracteurs ? à la différence des méthodes mixtes phoniques, la syllabique ne part pas de lidentification du son auquel on associe le signe écrit, mais des lettres et de leurs combinaisons auxquelles on associe les sons de la langue. Létude de la combinatoire des lettres permet laccès aux mots, puis aux phrases. Ce nest pas là, comme on en impute parfois lintention à la syllabique, aller du simple (la lettre) au complexe (le texte).
Apprentissage de la lecture et démocratisation scolaire Il ny a certainement pas lieu de suspecter lintention démocratique des promoteurs des méthodes mixtes, qui visent à aménager le passage de loral à lécrit en lui assurant douceur et naturel. Le refus de lentrée dans lécrit par une confrontation initiale à la lettre procède au fond dun refus de la confrontation à labstraction, jugée trop brutale et inappropriée, la pensée de lenfant étant, selon les préceptes dominants de la psychopédagogie, une pensée concrète que lon ne saurait conduire vers labstrait quavec prudence et progressivité. Partir de significations familières à lenfant, de mots, dhistoriettes, de contes et de comptines pour identifier les sons élémentaires (phonèmes) de la langue et étudier leur transcription graphique doit permettre déviter une telle rupture. Lenfant se meut continûment dans un univers signifiant pour lui, ce quil apprend fait immédiatement sens, il peut alors être pleinement le sujet de ses propres apprentissages. Et cette démarche ne sépare pas lappropriation des techniques graphiques de la transmission culturelle, de lacquisition de significations nouvelles, de lenrichissement du vocabulaire, etc. Il faudra bien un jour, si lon souhaite vraiment démocratiser laccès à la culture écrite, interroger sérieusement la représentation de lenfant qui a légitimé la généralisation des pédagogies douces à partir des années 1960. Léducation était par nature, pour Durkheim, affaire dautorité : le directivisme de la pédagogie traditionnelle identifiait lélève, de fait, à une sorte de cire molle où inscrire lempreinte des savoirs. Le progressisme pédagogique, dont laudience accompagne la montée des classes moyennes salariées dans laprès-guerre, oppose à ce modèle limage dun enfant bon, intelligent, prompt à jouer mais guetté par lennui, qui ne peut apprendre que si lon respecte ses spontanéités. Les sévérités anciennes sont condamnées au nom de lexigence dapprentissages plaisants et ludiques, avec une force de conviction qui finit par faire passer pour désuète toute notion de travail intellectuel et de plaisir de leffort de pensée. Aux yeux de ce spontanéisme pédagogique, la syllabique évoque trop le caractère organisé et systématique des apprentissages dantan pour ne pas faire figure dépouvantail réactionnaire. À lexpérience, en réalité, elle nest ni de droite ni de gauche : elle est juste efficace.
[1]. Initiée par Claude Thélot sous légide du ministre Luc Ferry, cette Conférence de consensus sest tenue les 4 et 5 décembre 2003 sous la présidence de lhistorien Antoine Prost, et a validé les orientations des programmes Lang pour lenseignement primaire de 2002. Ces derniers préconisaient un apprentissage « mixte », censé conjuguer les emprunts aux deux méthodes ennemies : la syllabique et la globale. Or ce principe dun apprentissage « mixte » est précisément celui qui est aujourdhui mis en uvre, chacun à sa manière, par limmense majorité des instituteurs (cf. sur ce dernier point : Éliane et Jacques Fijalkow, « Enseigner à lire-écrire au CP : état des lieux », Revue française de pédagogie, n° 107, 1994 ; Éliane Fijalkow, LEnseignement de la lecture-écriture au cours préparatoire. Entre innovation et tradition, LHarmattan, Paris, 2003). [2]. Cette formule convenue désigne le décryptage des relations entre les sons de la langue et les signes graphiques (lettres et syllabes) qui les représentent. On peut enseigner ce décryptage soit en partant des signes écrits, comme dans la méthode syllabique (comment se prononce a, b, et ba ?) soit en partant des sons de la langue (quel est le signe graphique qui transcrit le son a ?). [3]. Les promoteurs de la méthode globale, élaborée au début du xxe siècle, reprochent à la syllabique de dissocier le son du sens (de fait, bien des syllabes nont aucun sens : be, bi, ca, etc.) et de réduire par suite la lecture à une simple technique de décryptage. Rappelant que « lire, cest comprendre », ils proposent un apprentissage dans lequel lidentification visuelle du mot, et non plus de la lettre, joue un rôle de premier plan. De fait, si lunité élémentaire du décryptage est la lettre, la plus petite unité de sens est bien le mot : reconnaître les mots, cest accéder demblée au sens. [4]. Devant limpossibilité de faire mémoriser la graphie dun nombre de mots suffisant pour assurer une capacité de lecture minimale et léchec radical des tentatives dapplication de la globale « pure », le principe sest imposé des méthodes « mixtes », combinant le décodage grapho-phonologique et les procédures de la globale (mémorisation du plus grand nombre possible de mots, et identification des mots non reconnus en fonction du contexte de la phrase, et/ou du décodage dune partie de leurs syllabes, ce quon appelle la « lecture-devinette »). [5]. Basil Bernstein, « Classes et pédagogies : visibles et invisibles », in Jérôme Deauvieau et Jean-Pierre Terrail, Les Sociologues et la transmission des savoirs, La Dispute, Paris, 2006. [6]. Ainsi la commission Rouchette, mise en place en 1963, et comprenant inspecteurs généraux, professeurs décole normale, maîtres dapplication, représentants du SNI, adoptera en 1966, de façon très consensuelle, un Projet dinstructions qui puise son inspiration à la fois du côté des préceptes pédagogiques de C. Freinet et de la grammaire structurale. Ce projet préfigure les instructions officielles de 1972 qui rompent, en introduisant le modernisme pédagogique, avec celles de 1923 en vigueur jusque-là. [7]. Le tableau ne se réduit pas à ce face-à-face entre le ministre dun côté, les experts et les syndicats enseignants de lautre. Il existe des enseignants et des experts (cf. par exemple « Un point de vue scientifique sur lenseignement de la langue », texte signé par 18 chercheurs dans Le Monde de léducation de mars 2006) qui ne partagent pas lire du milieu pédagogique à lencontre de la syllabique, sans éprouver nécessairement daffinités à légard des positions politiques du ministre. Mais ils sont apparus minoritaires et beaucoup moins implantés dans les IUFM et les forces syndicales et politiques de gauche. [8]. LAFL, Association française pour la lecture fondée par Jean Foucambert, promoteur dans les années 1970 de la méthode idéovisuelle bannissant lapprentissage du décodage ; le GFEN, Groupe français déducation nouvelle fondé par Paul Langevin et Henri Wallon au lendemain de la guerre ; lICEM, Institut coopératif de lécole moderne, diffuse les préceptes éducatifs de Célestin Freinet. [9]. Cf. le dossier « lecture » de la revue Éducation et devenir (http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#adresse). [10]. Cette exigence dune meilleure efficacité cognitive du système éducatif venait en tête des préoccupations exprimées par les participants, et Claude Thélot, qui en a présenté le bilan en avril 2004, sen est déclaré le premier surpris. [11]. Par exemple : Jacques Bernardin, « Lecture : le discours de la méthode », Le Café pédagogique, n° 68, 2005 ; Pierre Boutan, « Interdire la méthode globale : ridicule », LHumanité, 6 janvier 2006. [12]. Cest à partir de telles archives qua été menée létude comparative publiée par la DEP-MEN en 1996 ; cf. « Les connaissances en français et en calcul des élèves des années vingt et daujourdhui », Les dossiers dÉducation et Formations, n° 62. [13]. Cf. Roger Establet, Le niveau monte : une vision à affiner, www.ordp.vsnet.ch/fr/resonance/2003/octobre/establet.htm [14]. Cf. Note dinformation n° 98.39, ministère de lÉducation nationale. [15]. Note dévaluation n° 04.10, ministère de lÉducation nationale. Pour lessentiel, si lon préfère, les futures sorties du système sont préfigurées dès la fin du primaire : les 30 % de meilleurs élèves obtiendront un bac général à lâge normal ; les 15 % les plus en difficulté, à lautre pôle, fourniront les sorties sans diplôme ; dans lentre-deux, la moitié des meilleurs pourra décrocher un bac professionnel, technologique ou un bac général obtenu avec retard, lautre moitié se contentant des filières professionnelles et des premiers niveaux de diplôme. La force prédictrice des apprentissages élémentaires est telle que, à partir du collège, une grande part de la fameuse corrélation entre lorigine sociale et les performances scolaires a disparu : celles-ci dépendent de plus en plus exclusivement de la qualité des acquisitions antérieures. [16]. Proposé par la pétition « Sauver la lecture », ce thème se retrouve chez différents auteurs, par exemple sous la plume de J. Bernardin (article cité plus haut). De la part de ce dernier, qui signe ses textes « secrétaire national du GFEN », mouvement pédagogique qui proclame des élèves quils sont « Tous capables ! », la récupération de ce qui nest rien dautre que la thèse du handicap socioculturel laisse perplexe, suggérant combien ici le souci de sauver lordre pédagogique existant lemporte sur toute autre considération. [17]. On peut consulter à ce propos : Jean-Marc Braibant et François-Marie Gérard, « Savoir lire, une question de méthode ? », Bulletin de psychologie scolaire et dorientation, I, 1996 ; Roland Goigoux, « Apprendre à lire à lécole : les limites dune approche idéovisuelle », Psychologie française, 45-3, 2000. [18]. Cf. « Teaching children to read », National Reading Panel Report, 2000 (texte aisément accessible sur Internet). [19]. Les méthodes mixtes sont dites « à départ global » si lapprentissage commence (en règle générale dès la grande section de maternelle) par le repérage visuel et la mémorisation de listes de mots et de phrases, lintroduction du code grapho-phonologique sopérant ultérieurement. Elles sont dites « à départ phonique » si elles démarrent par létude des liens entre sons et signes graphiques. [20]. Cf. la description proposée par R. Goigoux dans le dossier « lecture » dÉducation et devenir déjà cité. [21]. Cf. Éliane et Jacques Fijalkow, « Enseigner à lire-écrire au CP : état des lieux » (article cité) : 91 % des instituteurs enquêtés soulignent limportance de la maîtrise des correspondances lettres-sons. Mais quand ils doivent aider un élève à identifier un mot, 71 % lincitent dabord à trouver la réponse « dans les ressources de lenvironnement », les autres recours cités par plus de la moitié des enquêtés étant en concurrence : le décodage, sauter le mot et y revenir pour lidentifier, relire le début de la phrase et lidentifier. La pratique de la lecture-devinette se révèle ainsi incontestablement massive. [22]. Ce que souligne R. Goigoux dans le dossier « lecture » dÉducation et devenir. [23]. À labondance des études américaines comparant les pédagogies de la lecture (létude du National Reading Panel synthétisant une partie dentre elles) et concluant à la plus grande efficacité de la syllabique vient sajouter un élément de preuve supplémentaire. Létude Follow Through, fondée comme le NRP sur lagrégation dun grand nombre denquêtes de terrain, compare pour sa part différents types de pédagogies pratiquées dans lenseignement primaire et conclut à lefficacité cognitive et psychique supérieure des pédagogies explicites, dites de direct instruction (cf. Clermont-Gautier et alii, Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés, université Laval, Québec, 2004, rapport de recherche disponible sur Internet). Or, en matière de lecture, les maîtres identifiés dans la catégorie de la direct instruction pratiquent la syllabique, alors que limmense majorité des autres pratiquent les méthodes globales ou mixtes. [24]. On pourra se reporter, pour la pratique de la syllabique, à Geneviève Krick, « La confrontation à la lettre », in Jean-Pierre Terrail (sous la direction de), LÉcole en France. Crise, pratiques, perspectives, La Dispute, Paris, 2005. [25]. Jévoque ce travail, non publié, dans mon livre École, lenjeu démocratique, La Dispute, Paris, 2004. [26]. On touche là un point théoriquement décisif. Les pédagogies actuellement dominantes sorganisent à partir du principe rousseauiste du caractère essentiellement concret et sensible de la pensée de lenfant dâge préscolaire. La recherche de modes dapprentissage plus efficaces conduit à mettre en cause la pertinence de ce point de vue. Cest le cas dans le domaine de la lecture, ce lest aussi dans celui des mathématiques. Ainsi la pédagogie de la numération proposée par Stella Baruk se fixe comme objectif, dès le début du CP, de familiariser les enfants avec une idée du nombre comme idéalité mathématique, distincte du décompte dobjets donnés, le nombre de (cf. Stella Baruk, Comptes pour petits et grands, Magnard, Paris, 2005). Lenjeu est là : peut-on confronter demblée les élèves de CP à labstraction de la lettre ou du nombre, ou faut-il chercher à contourner la difficulté ? [27]. Il faut un certain aplomb pour opposer à la pauvreté culturelle des méthodes syllabiques aujourdhui disponibles sur le marché (le Boscher ou Léo et Léa) la richesse intellectuelle des textes proposés par les méthodes mixtes : les Gafi, Ratus, Crocolivre, etc., ne sont pas beaucoup plus enthousiasmants |
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