La Revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) |
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Actualité de Marcel Mauss | ||||
Par JEAN-PAUL MOLINARI
Professeur émérite, sociologue, Audencia Nantes Donner, recevoir, rendre, vendre, acheter : le vocabulaire de léchange ne se limite pas à ces seuls verbes qui sonnent comme autant dappels à laction. Au commencement était le Verbe : « Am Anfang war die Tat » répond Goethe, et peu importe qui commence quand les actes et les mots qui les disent ou les font être viennent de si loin, de toute éternité humaine. Jusquà nos jours remplis tant de furieux échanges boursiers que de généreux dons du cur ou du sang. Rien de tel pour la bonne santé réflexive que de plonger dans le flot pur de la pensée de Marcel Mauss, passeur déternité, avec laudace de celui qui ne craint pas, aux fins de mieux comprendre son époque, de se retourner vers des formes lointaines de léchange interhumain. Léchange archaïque Cest en 1925 que Mauss fait paraître un texte intitulé : « Essai sur le don. Forme et raison de léchange dans les sociétés archaïques ». Neveu dÉmile Durkheim, avec lequel il a travaillé à la fondation et au développement de ce qui reste alors encore en France une jeune discipline à visée scientifique et à faible légitimité universitaire, le sociologue vient de participer (1923) à la création de lInstitut dethnologie. Son « essai » ne sapparente que de très loin à lexercice ordinaire de lessayiste, quil soit philosophe, journaliste, dirigeant politique, ou écrivain : savant lecteur des travaux ethnologiques de son temps, Mauss travaille selon les principes dune méthode théorico-empirique propre à lÉcole sociologique française dinspiration durkheimienne, sans être lui-même ce chercheur quon dit aujourdhui « de terrain », signifiant par là quil conduit en personne ses enquêtes dans les sociétés quil souhaite étudier. Dune certaine façon il invente, à linstar de son oncle précurseur, une forme moderne et exigeante de coopération scientifique, « à distance » si lon veut, dont la relation quil entretient avec le travail de Franz Boas offre un bon exemple. Celui-ci, né en Westphalie en 1858, se fixa aux États-Unis où il accomplit lessentiel de sa carrière universitaire de professeur danthropologie. Il forma à ses méthodes de collecte de données, de recueil de récits, et dinterprétation du corpus ainsi constitué, une grande quantité détudiants mais aussi de membres des tribus indiennes quil étudia, en particulier en Colombie britannique : « Il traduisit des milliers de pages de textes indigènes » et « fut lun des tout premiers à comprendre que la maîtrise de la langue est un moyen essentiel de lenquête ethnologique ». « Observateur minutieux de tous les aspects de la vie indigène », auteur « dune uvre titanesque », Boas fait partie de ceux qui permettent à des chercheurs tels que Mauss, non seulement de disposer de données ethnologiques absolument neuves et originales, mais encore de pouvoir procéder aux opérations spéciales de la comparaison, sans laquelle on ne peut avancer durablement et sûrement dans la voie de lanthropologie ou, à tout le moins, de la généralisation théorique. Plus encore : Boas, mais aussi, parmi dautres, Bronislaw Malinovski, lauteur de cette merveille des sciences humaines que constitue son livre majeur Les Argonautes du Pacifique occidental, dont lessentiel du propos se concentre sur une description rigoureuse et sur une interprétation systématique dun régime de prestations sociales la kula , procurent au sociologue sédentaire une base explicative à partir de laquelle il va élaborer ses propres mises en relation des données et sa théorie de léchange archaïque. Ce dernier, Mauss le nomme autrement « échange-volontaire-obligatoire ». Sans nier quun don, ou dit-il encore, une donation, implique le plus souvent une volonté, ou une liberté, ou une gratuité, il met en lumière, en bonne filiation durkheimienne, le caractère obligatoire de tout don, lui attribuant ainsi le statut dun fait social de « toute manière dagir obligatoire, soustraite à larbitraire individuel ». La découverte tient en fait à lobjectivation de trois obligations liées, dont le « complexus » constitue léchange : donner ne peut être sans quil y ait réception, au sens dacceptation, et recevoir oblige de même à rendre. Tout relève ici encore du constat ethnographique dument effectué dans les sociétés polynésiennes, à Samoa, chez les Maori, en Nouvelle-Zélande, en particulier. « La prestation totale nemporte pas seulement lobligation de rendre les cadeaux reçus ; mais elle en suppose deux autres aussi importantes : obligation den faire, dune part, obligation den recevoir, de lautre ». On laura noté léchange porte ici sur des cadeaux : à propos de la kula (échange de ce type, mais à forte singularité complexe), Mauss, se fiant aux observations de Malinovski, souligne combien les Mélanésiens distinguent le commerce kula, « dordre noble », du gimwali, « simple échange de marchandises utiles ». La remarque vaut tout autant pour qui, aujourdhui, interroge léchange : il en existe de plusieurs types, relevant pour partie dune même forme générale, mais inassimilables les uns aux autres sans risque dabsolue confusion. Léchange salarial na ainsi rien dun échange de cadeaux de Noël, quand bien même des traditions durables contribuent à entretenir quelque confusion sur la qualité sociale du salaire, en agrémentant la paie du mois de décembre dune libéralité (terme du vocabulaire maussien du don) exceptionnelle (prime en argent, « panier garni », et autre « bourriche » indigène ). Lobligation se manifeste, avec éclat(s), lorsquon sy dérobe : le refus de donner, ou de recevoir ou de rendre, mène sinon toujours à la guerre, du moins à la rupture des liens entre donateur et donataire. Le refus vaut lui-même rupture, mais il révèle létendue sociale de la fonctionnalité de léchange-don en ce quil étend la rupture à lensemble des relations impliquant donateur et donataire. Léchange archaïque apparaît ainsi comme un maillon névralgique de la vie sociale : sy soustraire conduit à linterruption de celle-ci, dans des proportions variables selon quil sagit de la vie entendue comme interaction et interrelation entre deux individus (la vie à deux), ou entre groupes ou sociétés, mais toujours cependant avec ce caractère extensif qui pousse la déliaison au-delà même des termes du seul échange interrompu. Au demeurant Mauss suggère ici plus quil ne prononce, mais on porterait sans doute préjudice à toute lecture si on lui prescrivait de ne pas tirer de ce qui est écrit ce que cela lui inspire : la vie quotidienne, ici ou ailleurs, aujourdhui ou, sinon comme, hier, regorge de telles situations déchange, non marchand là aussi, interrompu et gros de conséquences, souvent inattendues mais parfois sciemment provoquées. Lobligation de saluer son voisin ou son voisinage, et de se voir rendre son salut, relève exemple simple mais universel de ce code là (de politesse certes, mais aussi dhonneur), Mauss dit plutôt « contrat », tout comme la fâcherie de famille, et mille autres conflits banals. Mais le banal, Fernand Braudel y insistait, est le matériau de lhistorien, comme, peut-on ajouter, de chaque chercheur en sciences humaines. Le conflit ainsi ouvert soffre dès lors comme moyen ultime de maintenir le lien social rompu et de réparer loffense faite à lhonneur. Mais on doit sans doute aussi penser, quà linstar du rire plus souvent perçu comme manifestation jubilatoire, gratifiante, « positive » que comme agression, léchange y compris léchange de rire : « On doit être un ami pour son ami et rendre cadeau pour cadeau/on doit avoir rire pour rire et dol pour mensonge », dit lHavamàl, très ancien poème de lEdda scandinave cité Mauss dans lÉpigraphe de son essai , léchange donc se donne à exister comme relation sociale ambivalente (mais nest-ce pas de lessence de toute relation interhumaine ?). La kula et plus encore le potlatch des Indiens, analysés comme systèmes de prestations agoniques, marqués du sceau de la rivalité, de la surenchère, de la destruction, dévoilent sans aucun doute, sur un mode exacerbé, un aspect souvent euphémisé sinon même soigneusement masqué de tout échange. Potlatch ? Le mot indien (sabir chinook) signifie à la foi cadeau (don) et poison. À ce stade, il convient de revenir au plus près de lEssai pour y bien identifier lenvergure sociale de la relation complexe déchange. Létendue sociale des relations quil affecte comme lenvergure sociale de ses fonctions sont déjà plus que suggérées en situation de conflit et de rupture, et lon pourrait dès lors anticiper sur son contenu social total, sil fallait entendre là quil est en relation avec tous les aspects de la vie sociale, ou, autre langage, de la société, ou troisième énoncé et concept là non plus pas complètement équivalent, de la pratique sociale ou du tout social. Montre encore mieux cela lethnographie de léchange archaïque et de ses acteurs. Tout séchange : première totalité sociale mobilisée. « Tout, nourriture, femmes, enfants, biens, talismans, sol, travail, services, offices sacerdotaux et rangs, est matière à transmission et reddition » écrit lauteur à propos de toutes ces institutions ces règles sociales qui font obligation déchanger. Deuxième totalité convoquée : le tout de deux sociétés en situation déchange, tant dans leur co-présence intertribale effective que dans toutes leurs segmentations claniques confrontées et le rassemblement de toutes les familles et de tous leurs individus. Troisième totalité concomitante : celles de toutes leurs activités dont la combinaison constitue le tout de la pratique de chaque société impliquée. « Ce quils échangent, ce nest pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles économiquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché nest quun des moments et où la circulation des richesses nest quun des termes dun contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent ». Ces faits sociaux déchange, Mauss propose alors de les nommer totaux : « Tous ces phénomènes sont à la fois juridiques, économiques, religieux, et même esthétiques, morphologiques [ ] Ce sont des "touts", des systèmes sociaux entiers ». On comprendrait mal ces fonctionnements totaux et totalisants si Mauss ne nous conviait à porter attention « à la manière dont les sous-groupes de ces sociétés segmentées, de type archaïque, sont constamment imbriqués les uns dans les autres, et sentent quils se doivent tout » (cest moi qui souligne). Imbrication structurale, solidarité ressentie et sentiment collectif puissant de la nécessité dune réciprocité totale, forment le socle et la matrice de la dynamique de léchange. Ce sentiment du tout se devoir implique lexistence dun symbolisme qui se manifeste dans tous les moments et tous les aspects de léchange archaïque, dans ses formes les plus objectives (incarnation des groupes, rituels cérémoniels) jusquaux pensées les plus secrètes qui accompagnent les actes obligatoires. La première forme de représentation de ces totalités solidaires existe dans la matérialité même du corps des chefs de tribu, de clan, de famille. Corps ipso facto symbolique par lequel transite tout léchange : « Ce ne sont pas les individus, ce sont des collectivités qui sobligent mutuellement, échangent et contractent ; les personnes présentes au contrat sont des personnes morales : clans, tribus, familles, qui saffrontent et sopposent soit en groupes se faisant face à face sur le terrain même, soit par lintermédiaire de leurs chefs, soit des deux façons à la fois. » Et ce corps autant réel par sa matérialité présente que par son symbolisme de représentant, le premier ne devant même la réalité de sa présence quà lefficacité symbolique du second, ne peut faire ainsi circuler les choses que parce quil a pouvoir den faire circuler les âmes. Le poète lavait écrit avant que ne le découvrent les ethnologues : « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » Nul doute pourtant que Lamartine eut interloqué les Trobriandais ou les Maoris, et tous les membres de ces sociétés pour qui lanimisme constitue, plus quune évidence, la réalité même du monde. La cosmogonie indigène, plus encore que le constat factuel de lethnologue, « explique » lessence obligatoire de léchange. Abstraction faite des mille nuances de sa mise en actes et en uvres, la logique sen révèle simple : le don, la chose donnée, contient le mana du donateur (individuel, collectif) cest-à-dire de la personne ou du clan ou encore du sol, qui donne. La chose donnée, véhicule du mana, peut donc détruire celui qui reçoit sil ne respecte pas lobligation de rendre. Donner cest donner de soi, et donner de soi le meilleur : nul ne sen relève sil ne le retrouve pas. De même donner une chose quelle quelle soit cest ipso facto transmettre son hau lesprit de choses végétales, minérales, animales comme le mana est lesprit même de la personne. Lanalyse par Mauss du droit maori reste à cet égard la plus éclairante. Dans ce droit la théorie du hau désigne a croyance fondatrice de lobligation de rendre et, au total, de la réciprocité : « Même abandonnée par le donateur la chose (donnée-reçue, le cadeau) est encore quelque chose de lui. Par elle, il a prise sur le bénéficiaire, comme par elle, propriétaire, il a prise sur le voleur ». Le hau de la chose volée vengera ainsi le volé, qui sempare du voleur, lenchante, le mène à la mort ou le contraint à la restitution : car le taonga (cadeau) est animé du hau de sa forêt, de son terroir, de son sol. Le mana et le hau sont donc lessence spirituelle des hommes et des choses, leur âme. Le lien de droit, lien par les choses, est un lien dâmes, « car la chose elle-même a une âme, est de lâme ». Et cette âme, cette anima constitue le pouvoir, la force même qui pousse les choses à séchanger, à circuler dans toute létendue du monde (y compris dans le commerce avec les dieux). Dès lors quon entre dans la théorie indigène tout lédifice de léchange-don obligatoire prend sens, cohérence, évidence. Tout lédifice, y compris donc les modes archaïques de laumône, du paiement à terme, de la libéralité, de lhonneur, de la monnaie, analysés dans lessai, ainsi que les formes les plus complexes des systèmes de prestations totales que sont la kula et le potlatch, dominé par un principe de rivalité paroxystique et de surenchère du don et du contre-don pouvant aboutir à la destruction totale des présents échangés, voire à la destruction des acteurs. Mais sans doute aussi dès lors que lethnologue est ainsi entré en animisme convient quil en ressorte pour persévérer dans son être dethnologue. Mauss après Mauss En 1950, année du décès de Marcel Mauss, Claude Lévi-Strauss fait paraître son « Introduction à luvre de Marcel Mauss » dans un ouvrage intitulé Sociologie et Anthropologie, où lon retrouve, outre lEssai sur le don, cinq autres textes importants. Reprenant le fil rouge maussien (« On peut prouver que dans les choses échangées [ ] il y a une vertu qui force les dons à circuler, à être donnés, à être rendus »), lanthropologue amorce une critique aussi radicale que féconde. « Cest ici, écrit-il, que la difficulté commence. Cette vertu existe-t-elle objectivement, comme une propriété physique des biens échangés ? Évidemment non Ne sommes-nous pas devant un cas où lethnologue se laisse mystifier par lindigène ? ». Faute dune approche globale et structurale de léchange-don, Mauss, engagé dans « une observation empirique qui ne lui fournit pas léchange », mais seulement les trois obligations, ne saurait trouver que cest dans léchange même, « dans le tout plus réel que ses parties », que gît lénigme contractuelle et non pas dans le mystère des âmes : pour Lévi-Strauss « le hau nest pas la raison dernière de léchange : cest la forme consciente sous laquelle des hommes dune société déterminée, où le problème avait une importance particulière, ont appréhendé une nécessité inconsciente dont la raison est ailleurs ». Ainsi Mauss ne nous a pas légué seulement une connaissance scientifique dune part universelle dhumanité : les questions quil suscite tout autant que les savoirs quil produit ne cessent dinspirer la recherche anthropologique et sociologique. Lactualité de Mauss ne séteint pas. On se limitera ici à indiquer quelques-uns de ces feux toujours vifs. Au croisement de la lecture de Lévi-Strauss et de lanalyse maussienne je verrais bien ainsi loccasion dune saine relecture de lanalyse que fait Marx, dans le premier livre du Capital, du fétichisme de la marchandise (« jai sué sang et eau, écrira-t-il, pour apercevoir, derrière les choses, les rapports »). Par où lon verrait, sauf aveuglement irrémédiable, que fétichisme vaut bien là animisme nous, citoyens des mondes marchands ne sommes pas en reste quand il sagit dêtre mystifiés par lor, largent, et plus banalement, cest-à-dire tout le temps, par la « vertu » inhérente aux « biens échangés ». Nous sommes tous des Maoris. Ou des Indiens. Il nest pas une page de lessai maussien qui nappelle par ailleurs à une réinterrogation de nombres des actes, actions, activités, rituels, cérémonies, manifestations de toutes sortes du monde actuel, quon le dise moderne ou post-moderne : il nest que de plonger dans ce livre pour en rapporter des grappes de questionnements neufs sur les logiques de cadeaux, sur les matches de football ou tout autre spectacle-compétition de sport, sur les jumelages entre villes, sur les relations diplomatiques, etc. ou encore de façon quasi jubilatoire chez Mauss tout autant que chez Malinovski où il trouve cet « objoie » (Francis Ponge) : les bijoux de la couronne dAngleterre. « Ainsi nous rivalisons dans étrennes, nos festins, nos noces, dans nos simples invitations et nous nous sentons obligés à nous revanchieren, comme disent les Allemands ». Plus généralement : « Nous constatons que cette morale et cette économie fonctionnent encore dans nos sociétés de façon constante et pour ainsi dire sous-jacente ». Phrase écrite en 1925 à laquelle fait écho 70 ans plus tard la fougue de Bourdieu : « Mais lémergence dun tel univers (N. B : Bourdieu désigne là le champ de léconomie capitaliste) nimplique nullement lextension à toutes les sphères de lexistence de la logique de léchange marchand qui à travers le commercialization effect et le pricing fondamentalement exclu par la logique de léchange de dons, tend à réduire toute chose à létat de marchandise achetable et à détruire toutes les valeurs [ ] Des provinces entières de lexistence humaine, et en particulier les domaines de la famille, de lart ou de la littérature, de la science et même, dans une certaine mesure, de la bureaucratie, restent au moins pour une large part étrangers à la recherche de la maximisation des profits matériels ». Cette hybridation des logiques déchange devrait aujourdhui conduire à les mieux identifier tout comme à mieux chercher à savoir comment elles se combinent dans les situations concrètes en lesquelles se nouent leurs rapports. Ainsi dans lentreprise et son management. Il devient de bon ton dy envisager le système des relations de travail sous langle maussien des obligations du don. Cet angle constitue même un point de vue plein dintérêt pour lentrepreneur et ses managers dès lors quil permet de décliner les termes de cet échange social majeur quest le travail dans le vocabulaire du partenariat, de la responsabilité, de lesprit déquipe, de la compétence dont on peut facilement retrouver des équivalents sémantiques dans le langage du don. Le travail comme échange de don : de compétences, dargent, de valeurs partagées, dactivités efficaces ? Soit ! Tout cela peut se penser, sans seffondrer, ne serait que parce que cela se pratique, non sans heurts. Mais cum grano salis car cela ne se pense jamais complètement, ni ne se pratique réellement, sans hybridation avec les contraintes structurales et les obligations des logiques de profit, dont au premier chef celle de léchange inégal en quoi consiste lemploi salarié (comme achat et vente, donc échange marchand libre et égalitaire, puis, en conséquence, comme échange productif contraint et inégal, cest à dire travail, production ou réalisation dune valeur-laquelle de quelque façon quon la mesure, excède, dans la démesure, la valeur rétrocédée par le moyen du salaire). On sait gré à Mauss de permettre ainsi de poser et reposer des questions portant sur le concret sous-jacent, le banal et massif inaperçu, le non-spectaculaire sauf jour de fête, de cérémonie de grève Et lon sait gré aussi à La Revue du MAUSS dabonder depuis 1988 le corpus de lanalyse de léchange-don, tel quil existe, sur la planète, aujourdhui. « Un milliard deuros de dons déclarés au fisc en 2000 en France » (les journaux, en novembre) : comment analyseriez- vous cela ? |
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